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VIH : devenir des patients et des soignants

En ouverture, Sophie Albert, directrice de l’établissement remercie l’équipe du Comité Sida Prévention Sexualités  de Ville-Evrard pour l’organisation de ce rendez-vous annuel invitant à maintenir l’intérêt pour cette maladie. Reprenant l’objectif ambitieux du conseil départemental «Seine-Saint-Denis sans sida », elle témoigne de l’engagement de l’établissement de Ville Evrard aux côtés de tous les acteurs du département sur les questions de prévention et dépistage à travers son dispositif de soins mais aussi  l’inscription de la prévention comme axe prioritaire de la feuille de route du prochain projet d’établissement.

De retour du Burkina Faso pour fêter les vingt années de partenariat avec cet Etat, le Dr Laurent Vassal, président de la commission médicale d’établissement se réjouit que ce pays bénéficie dorénavant d’un programme de prise en charge gratuite de cette maladie, mis en place par l’OMS. Il se rappelle que le sida a été une véritable catastrophe sanitaire, lorsqu’il est apparu il y a une trentaine d’années, à une époque où les patients faisaient l’objet d’une forte discrimination. Aujourd'hui, le sida reste une maladie chronique contre laquelle il ne faut pas baisser la garde, même si les traitements ont évolué. À cet égard, le Dr Laurent Vassal se réjouit de la jeunesse et de la diversité de l’auditoire devant lequel il s’exprime aujourd'hui.

Le Dr Mylène Garo, psychiatre coordinatrice du comité sida sexualités prévention à l’EPS de Ville-Evrard, indique que la France compte 135 000 personnes contaminées par le VIH, dont 26 000 sont non diagnostiquées. 7 000 nouvelles personnes sont contaminées chaque année en France.

84 % des patients sont ainsi diagnostiqués, 75 % sont traitées et 68 % ont une charge virale indétectable et ne sont donc pas contaminants pour les autres.

Les Centres Gratuits d’Information de Dépistage et de Diagnostic (CeGIDD) permettent aux patients de se faire dépister. Des autotests sont par ailleurs en vente libre en pharmacie, tandis que les TROD (Tests Rapides à Orientation Diagnostique) peuvent être réalisés par des personnes non soignantes. Toutes ces offres permettent donc des multiplicités de dépistage, ce dont il convient de se réjouir lorsque l’on sait qu’une personne séropositive sous traitement ne transmettra plus le virus à ses partenaires.

Dans cette même optique de prévention, il existe dorénavant une prophylaxie pré-exposition (PrEP), destinée aux personnes exposées au virus mais qui ne sont pas encore contaminées. La prise de ce traitement permet de réduire de façon très importante les risques de contamination pour ces patients.

Parcours de soins du patient VIH : d’hier à demain

Josiane Phalip-Le Besnerais, psychologue clinicienne au sein de l’équipe PSY/VIH à l’hôpital Delafontaine, met l’accent sur la nécessité de maintenir une bonne qualité de prise en charge des patients, grâce à une étroite collaboration entre soignants. Cette prise en charge pluridisciplinaire des malades est en effet aujourd'hui menacée par les coupes drastiques dans les effectifs des soignants, qu’il conviendrait d’endiguer.

Le Dr Anne Simon,  présidente de la société française de lutte contre le sida, indique que le sida est arrivé dans un système de soins qui n’était pas préparé à une telle affection. Des filières de soins spécifiques ont alors été créées et un premier plan de lutte contre le sida a été mis en place en 1987. Une base de données hospitalière a en outre été ouverte, afin de pouvoir disposer d’informations utiles, en temps réel, sur les patients infectés par le VIH. En 1990, un premier rapport d’experts dit « rapport Dormont » a été publié, ce qui a permis de faire évoluer les filières de soins dans le bon sens. En 1999, enfin, l’accent a été mis sur la nécessité de mettre en place une approche plus populationnelle de la maladie.

Les COREVIH ont été créés par un décret du 15 novembre 2005. Ils ont vocation à favoriser la coordination des professionnels du soin, de l’expertise clinique et thérapeutique, du dépistage, de la prévention et de l’éducation pour la santé, de la recherche, de l’action sociale, ainsi que des associations de patients et d’usagers.

Le plan sida 2010-20144 a valorisé la nécessité de s’appuyer sur les plans régionaux de santé, tout en mettant l’accent sur une approche populationnelle de la maladie.

Plus récemment, l’objectif particulièrement ambitieux fixé par la Haute Autorité de Santé (HAS) fait état d’un « Paris sans sida », à un horizon plus ou moins lointain.

Dans les années 1990, les morts du sida se comptaient par milliers et les traitements étaient très lourds à supporter. Les soignants et les associations se sont alors très fortement mobilisés contre cette maladie, au-delà de la peur que tous ressentaient face à un mal incurable et mortel.

Outre le combat strictement médical, tout a été mis en œuvre pour que la pathologie soit mieux acceptée et que la discrimination à l’égard des patients se réduise d’autant.

Parallèlement au soutien apporté aux patients, il a fallu se pencher sur le nécessaire soutien des soignants qui voyaient mourir en masse leurs malades, après avoir appris à les connaître, au-delà des éventuels préjugés que ces derniers pouvaient avoir à l’égard de certains groupes de population particulièrement touchés par la maladie, comme les homosexuels ou les toxicomanes.

Même si infection au VIH se traite désormais avec un comprimé par jour, le sida reste une maladie chronique, qui retentit sur la dimension sociale, économique et psychologique des patients et reste très discriminante. A l’avenir, l’infection au VIH pourra sans doute être prise en charge grâce à une injection par mois.

Les patients dépistés dans les années 2000 ont une espérance de vie normalisée et 50 % des patients sont dorénavant âgés de plus de 50 ans, ce dont il convient de se réjouir. Ces derniers se heurtent toutefois à un parcours de soins qui reste complexe et pénible à supporter sur la durée.

Enfin, alors que l’annonce de la maladie s’apparentait par le passé à la chronique d’une mort annoncée, les patients ont dû faire le deuil de leur deuil et se battre contre les discriminations dont ils font encore trop souvent l’objet. Entre 2010-2013, les conditions de vie des patients se sont en outre globalement dégradées, même si leur prise en charge médicale s’est améliorée.

Alors que Josiane Phalip-Le Besnerais signale que certains patients ne sont plus vus qu’une fois par an par leur médecin, Anne Simon estime que ce type de prise en charge plus légère doit être réservé à certains types de patients très spécifiques. Il faut donc pouvoir le proposer, sans évidemment l’imposer. La fréquence moyenne des rendez-vous médicaux pour les PVVIH reste toutefois trimestrielle, dans le cadre de parcours de soins évidemment personnalisés.

Une représentante du comité des familles, présente dans la salle, signale que les patients qui vivent en province, loin de tous relais associatifs, ont souvent besoin de voir leur médecin plus d’une fois par an.

Interrogée sur le traitement pré-exposition (PrEP) au VIH, Anne Simon explique que celui-ci n’est pas réservé à la communauté homosexuelle mais pourrait être proposée à d’autres populations exposées au virus.

VIH ; d’une éthique de l’accompagnement au vivre-ensemble

Regard sur le sida d’une société en constante métamorphose  

Elsa Godart, chercheur associé à l’université de Paris-Est Créteil, responsable du DU d’éthique à l’hôpital de Ville-Evrard, signale que le rapport au temps et à l’espace s’est profondément modifié au fil du temps, dans la mesure où les écrans en fixent dorénavant le cadre, signant par là même l’avènement de l’ère de l’ici et du maintenant, où tout est immédiat et où tout devient accessible. Cette nouvelle temporalité est dominée par le précaire et l’éphémère et marque le triomphe des normes consuméristes.

Cette entrée dans « l’hypermodernité » est donc la manifestation la plus criante de cette ère du numérique qui a marqué l’avènement de l’hyper-individu, conquérant de sa propre vie, qui peut laisser libre cours à son « hubris », cette démesure si chère aux Grecs.

Cette culture du « tout, tout de suite », cette suprématie de l’immédiateté a pour conséquence d’aplatir le désir. Le présent ne se vit plus, en effet, que comme une jouissance permanente mais factice et les contours du moi s’en trouvent fragilisés, créant par là même un sentiment d’insécurité.

Dans ce contexte, la brèche du temps devient une véritable nasse où l’urgence, l’immédiateté, la vitesse, l’impatience et la culture du zapping sont de mise. C’est alors non seulement le rapport à l’existence qui se modifie, mais également le rapport à la mort et au désir.

Dans cette société en profonde évolution au cours des trente dernières années, le regard sur le VIH s’est modifié et l’épidémie a fort heureusement reculé. Selon les chiffres d’AIDES, 16 millions de patients étaient sous traitement dans le monde en 2014, tandis que 37 millions vivaient avec le VIH. 

Si la riposte mondiale au sida a incontestablement permis d’éviter plusieurs millions de morts, le sida est toutefois un processus inachevé car les inégalités des populations – dans la prise en charge de la maladie – sont excessivement fortes et le sida continue à tuer. Le combat est donc loin d’être gagné et il faut le poursuivre, en notamment les jeunes qui se sentent trop souvent invulnérables et consomment la sexualité comme n’importe quel bien de consommation courante.

Regard du patient sur sa propre pathologie

Passer de l’état de mort-vivant à celui d’un patient atteint de maladie chronique est bien évidemment porteur d’espoirs mais peut revêtir également une connotation terrifiante ; le patient se trouve en effet confronté à un horizon temporel lointain, dont il ne sait que faire, ce qui peut créer une brèche existentielle et provoquer un certain vertige. Il faudra donc apprendre à accompagner ces nouveaux survivants, en les accompagnant au mieux et en leur réapprenant à faire des projets.

Regard des soignants

Enfin, si le regard des patients s’est modifié au fil du temps sur leur maladie, l’empathie et la sollicitude des soignants à l’égard de ces derniers continuent quant à elles à s’affirmer avec force. Il ne faut donc pas réduire les patients à leurs symptômes mais continuer à aller à leur rencontre, toujours et encore.

Dépistage de masse ou santé sexuelle ? À vous de choisir

Le Dr Marie Poupard déplore que 7 000 nouveaux cas de séropositivité soient dépistés chaque année en France. Elle note au passage que le centre de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis est celui qui en dépiste le plus, probablement parce qu’il est adossé à un service d’infectiologie de pointe, offrant une prise en charge des patients pluridisciplinaire et de qualité.

Elle constate par ailleurs que la population de Seine-Saint-Denis qu’elle soigne depuis une vingtaine d’années est de plus en plus précaire, à l’heure où une menace plane sur le maintien de l’Aide Médicale d’Etat (AME). Si ce dispositif disparaissait, les séropositifs arriveraient encore plus tard dans les services de soins et la situation de ces patients – déjà difficile – s’aggraverait encore.

Quoi qu’en disent certains, on continue en effet à mourir du sida en France, car certains patients arrivent trop tard dans les services de prise en charge, et ce alors même qu’ils sont présents sur le territoire national depuis de nombreuses années et sont socialement intégrés, pour certains d’entre eux.

Outre le sida, toutes les infections sexuellement transmises telles que les infections à chlamydiae ou la syphilis sont en forte progression en France.

A Saint-Denis, l’épidémie de sida est plus féminine que masculine. La contamination est à 84 % hétérosexuelle et la prévalence du VIH est élevée sur ce territoire.

Les tests dans les CDAG, devenus des CeGIDD, sont anonymes mais l’anonymat peut être levé sur demande du patient. Le motif de consultation dans ce type de centre est très variable, d’un patient à l’autre. Confrontés à des patients aux profils très divers, les soignants doivent donc savoir faire le grand écart et répondre à des besoins très variables, d’un malade à l’autre.

Notant que certains patients ne viennent pas chercher les résultats de leur dépistage dans les CeGIDD, Armand Totouom, délégué territorial de AIDES Bobigny, se demande si le regard porté sur les personnes fréquentant ces centres ne devrait pas évoluer, afin que leur « comportement à risque » ne soit pas stigmatisé et qu’un climat de confiance puisse s’instaurer d’emblée entre les patients et les soignants. 

Marie Poupard répond que l’approche dans ces centres a peu à peu évolué et s’oriente dorénavant vers une prise en charge beaucoup plus pluridisciplinaire, qui devrait éviter l’écueil d’une culpabilisation des patients contaminés.

Une intervenante, dans la salle, souligne quant à elle la nécessité de repenser les pratiques des soignants et des patients, dans le cadre d’un questionnement éthique.

La lutte contre le sida est-elle toujours d’actualité ? L’importance de prendre en compte la personne dans sa globalité et les discriminations liées aux personnes séropositives

Hervé Baudoin indique que l’association « Santé Information Solidarité » possède 12 implantations en France, qui ont vocation à informer, sensibiliser et mettre en place des actions de prévention à l’égard de publics variés, dans des domaines aussi divers que la lutte contre le VIH ou la prévention du mal-être et du suicide.

Cette association intervient notamment auprès des publics LGBT, des personnes incarcérées, des publics jeunes et scolaires, via des émissions radiophoniques, des interventions planifiées dans le cadre de manifestations festives, des causeries organisées auprès de migrants, des actions d’accompagnement des publics en situations de handicap.

L’approche de cette association se fait par la santé sexuelle, visant un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité. L’approche proposée est donc globale et porte tout à la fois sur la vie affective et sexuelle des individus.  

Pour ce faire, il convient d’adopter un discours non « genré » et inclusif, sans partir du principe que l’on s’adresse uniquement à un public hétérosexuel.

L’épidémie à VIH est concentrée à 90 % sur deux types de populations :

- les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (17 % de prévalence) ;
- les personnes hétérosexuelles nées à l’étranger (1,5 % de prévalence).

Le temps qui s’écoule entre la contamination et l’initiation du traitement reste très élevé, à hauteur de 5,4 ans en moyenne en France.

Dans le cadre d’une enquête réalisée en 2012 par l’observatoire SIS-Association, 50 % des personnes sondées estimaient avoir déjà été discriminées du fait de leur séropositivité au VIH. Ces discriminations entravent la progression professionnelle et personnelle des patients, provoquant des dommages psychologiques importants parfois décuplés par une « sérophobie » des malades eux-mêmes, qui intériorisent le rejet dont ils font l’objet.

Le dispositif Sida Info Service réalise chaque année 90 000 entretiens téléphoniques, auprès d’un public constitué à 70 % de personnes hétérosexuelles. Les demandes d’informations portent notamment sur les risques de transmission, les symptômes, les moyens de prévention, les traitements des IST, les procédures de dépistage et les traitements post-exposition.

Seules 5 % des personnes recourant au dispositif SIS sont des personnes déjà contaminées par le VIH. Agées de 42 ans en moyenne, ces personnes formulent des demandes d’ordre médical ou juridique.

Armand Totouom, délégué territorial d’AIDES Bobigny, dénonce alors le désengagement des politiques dans la lutte contre le VIH et la réduction des fonds publics mis à disposition de cet enjeu majeur de santé publique.

Anne Simon en convient, d’autant que la lutte contre le VIH est également contrainte par la réduction sensible du nombre de médecins. Dans un tel contexte, il conviendra donc de redéfinir les rôles incombant à chacun, en permettant aux acteurs en présence de mieux travailler ensemble, tout en explorant constamment de nouvelles pistes.

Pour finir, en réponse à la question d’une infirmière présente dans la salle, Hervé Baudoin indique que l’ouverture du champ des perspectives, rendu possible par le recours à la dénomination plus large de « Santé Information Solidarité », ne contenant aucune référence explicite au sida, est évidemment voulue et ne revient en aucune manière à éluder le problème.

AIDES : d’hier à aujourd'hui, une réponse dynamique et communautaire à l’épidémie du sida

Armand Totouom, délégué territorial d’AIDES Bobigny, rappelle que l’association AIDES a été créée en 1984 par Daniel Defert, qui plaçait déjà la communauté gay au centre des préoccupations de la lutte contre le sida. Il s’agissait alors d’impliquer tous les parties en présence, pour garantir une efficacité maximale au combat contre le VIH, en plaçant les patients en première ligne de ce combat.

AIDES est l’une des plus grandes associations de France de lutte contre le sida et les hépatites virales. Elle compte à ce jour 1 000 volontaires, 450 permanents et 135 000 membres donateurs. AIDES agit non pas seulement pour les personnes infectées mais avec ces dernières. Cette association est centrée sur la prévention, l’accueil, le soutien et l’accompagnement des personnes concernées par le VIH et/ou les hépatites virales.

Dans cette optique, le militant d’AIDES ne se pose pas en détenteur du savoir ou de la science infuse. Il est là pour donner envie aux personnes cibles de se mobiliser, sans pour autant se substituer à la puissance publique. C’est plus un acteur de transformation sociale qu’un acteur délivrant un certain nombre de services.

Les 32 années d’existence de l’association se structure autour de trois grandes périodes :

- la période du « mourir avec » de 1984 à 1996, au cours de laquelle l’épidémie était mortelle et a fait beaucoup de victimes ;

- la période du « vivre avec » marquée par l’arrivée des anti-rétroviraux (ARV), de 1997 à 2009, qui banalise le VIH et fait reculer sa médiatisation ;

- enfin, la période du « en finir avec l’épidémie ! » courant de 2009 à nos jours.

Les réponses apportées à la maladie se sont évidemment adaptées, au fil du temps, en fonction des postulats de ces différentes périodes.

AIDES a ainsi notamment largement contribué à la promotion du préservatif comme rempart à la contamination par le VIH.

AIDES a par ailleurs introduit, au fil du temps, la notion de réduction du risque sexuel dans des campagnes parfois un peu « choc », qui n’ont malheureusement pas toujours reçu le meilleur accueil de la part du public.

Des actions ciblées ont été mises en œuvre auprès de publics plus ciblés, consommateurs de grève, notamment.

A compter de 2009, le traitement contre le VIH s’est affirmé comme outil de prévention. Les modes de dépistage se sont alors diversifiés et la période a notamment été marquée par l’apparition des TROD et des auto-tests. La PrEP a par ailleurs été expérimentée en 2014. Cette dernière a été intégrée dans le discours préventif, aux côtés du TASP (Treatment As Prevention).

AIDES n’est ni une association caritative, ni une association humanitaire mais une association fondée sur une approche communautaire en santé, qui adapte régulièrement son discours préventif en fonction de l’évolution des connaissances sur le sida et les hépatites.

Ana de Melo, psychologue du CSSP,  estime que la période du « vivre avec » le VIH est loin d’être terminée.

Josiane Phalip-Le Besnerais confirme ce point, jugeant un peu provocante l’expression du « en finir avec l’épidémie ! », dans la mesure où cet objectif ne sera pas atteint tant que les personnes actuellement infectées seront toujours en vie.

Armand Totouom précise que l’objectif recherché est qu’il n’y ait plus de nouvelles contaminations, à l’horizon 2030, et non de faire mourir plus rapidement les personnes déjà infectées.

Répondant à un formateur de travailleurs sociaux fustigeant la discrimination dont les malades du cancer font l’objet lorsqu’il s’agit d’accéder à un prêt immobilier, Armand Totouom confirme qu’il en va de même pour les PPVIH et déplore à cet égard que la convention AERAS, censée protéger les personnes présentant un risque de santé, ne soit signée que par certaines banques et compagnies d’assurances.

Enfin, à l’instar d’une participante l’interpelant à ce sujet, Armand Totouom dénonce l’hypocrisie généralisée qui laisse des images de femmes dénudées, voire des clichés ouvertement pornographiques s’afficher librement sur les murs des villes et qui n’hésite pas à interdire une campagne de prévention du Ministère des Affaires sociales et de la Santé, au motif que les affiches montreraient des couples homosexuels tendrement enlacés.

Mon parcours migratoire : partage de mon expérience en France

Rose Nguekeng, de l’association Ikambéré (ou « la Maison Accueillante »), explique que cette structure s’adresse exclusivement aux femmes atteintes du VIH, âgées de 25 à 50 ans. Trois quarts d’entre elles proviennent de l’Afrique subsaharienne. Elles sont sans ressources, sans emploi, sans logement, dans une situation de grande précarité, où l’observance stricte d’un traitement relève de la gageure.

La prévention est faite par l’animatrice de l’association, ainsi que par des intervenants extérieurs (infectiologues, sexologues, gynécologues, psychologues, hépatologues et généralistes).

Les échanges s’effectuent à l’heure du déjeuner, dans la salle de convivialité, car « la bouche qui mange parle ».

Ikambéré met à la disposition des femmes des outils essentiellement visuels, sachant que nombre des femmes prises en charge par cette association ne savent pas lire. La part belle est en outre faite aux récits mettant en avant les expériences personnelles de ces femmes, dont les parcours sont souvent tumultueux. A noter que les membres de l’association utilisent prioritairement un langage imagé, afin de ne pas heurter la pudeur et la sensibilité femmes qu’ils assistent. Le pénis est ainsi présenté comme un « pilon », tandis que le vagin serait le « mortier ».

Au sein d’Ikambéré, le TASP est perçu comme un outil permettant : pour la patiente qui observe bien son traitement – la non-apparition du sida ; pour le partenaire qui a des rapports avec cette dernière – l’absence de transmission du virus.

Les membres de l’association constatent par ailleurs chaque jour que les femmes hésitent à révéler leur séropositivité par peur d’être rejetées par leur partenaire, que celui-ci soit régulier ou non.

Les membres d’Ikambéré insistent en outre pour que les femmes réalisent des mammographies et participent à toutes les actions de dépistage des IST.

Même si les femmes reçues par Ikambéré sont sous traitement, elles ont peur de contaminer leur partenaire. Il faut donc constamment les rassurer, sans pour autant les brusquer.

Les convictions religieuses freinent les pratiques de prévention. Certaines femmes refusent en effet d’utiliser des préservatifs et s’exposent ainsi à une multiplicité de risques, alors qu’elles sont déjà dans une précarité totale.

Par ignorance, certaines femmes pensent que le vagin lubrifié est synonyme de saleté. Elles adoptent ainsi des pratiques d’asséchement de leur vagin qui peuvent les exposer à des risques d’infection importants.

Ikambéré passe donc son temps à tenter de lever les freins culturels et religieux qui entravent la bonne observance des traitements et nuisent à l’efficacité des actions de prévention mises en œuvre, à l’attention des femmes atteintes par le VIH que l’association prend en charge.

Cette association donne aux femmes la force de se battre dans la mesure où il faut une force psychologique, morale et physique de grande ampleur pour vivre avec le VIH au quotidien et continuer à avancer. En outre, parce que les femmes ont souvent été contaminées par ignorance, il convient de les informer, toujours et encore, afin qu’elles prennent le pouvoir sur leur vie et deviennent maîtresses de leur destin. Ce message est d’autant plus porteur que les traitements ont évolué et l’espérance de vie des personnes infectées s’est sensiblement améliorée, au fil du temps. 

Enfin, il convient de faire comprendre aux femmes qui sont prises en charge par l’association qu’elles ne doivent pas se déresponsabiliser totalement, si elles ont été infectées dans le cadre d’un rapport sexuel librement consenti.

En qualité de psychologue clinicienne, Aude Bresson explique recevoir beaucoup de jeunes femmes et de jeunes hommes qui ont été contaminés parce qu’ils étaient vulnérables et qu’ils ont consenti à avoir des actes sexuels non protégés en l’échange d’un toit, d’un repas, ou d’un pied-à-terre à Paris. Dans ces cas précis, le discours visant à faire endosser à ces personnes une quelconque responsabilité dans leur contamination semble inadapté.

Rose Nguekeng en convient tout à fait. Ana de Melo renchérit en soulignant à son tour la nécessité d’adapter le discours aux personnes que l’on a en face de soi.

VIH : mécanismes de défense psychique des soignants

Le Dr Mylène Garo, psychiatre coordinatrice du comité sida sexualités prévention à l’EPS de Ville-Evrard, rappelle, en préambule, que le sida a tué massivement dans les années 1990, des personnes jeunes qui avaient le même âge que les soignants qui les prenaient en charge. Ces derniers ont donc dû développer des mécanismes de défense psychique pour faire face.

Le VIH interroge les patients et les soignants sur des thématiques aussi importantes que la mort et la sexualité.  

Les soignants se suicident trois fois plus que le reste de la population générale des français et sont soumis à de forts risques d’addiction et de burn-out.

Autour du VIH, un lien particulier s’est incontestablement créé entre les patients et les soignants.

Les années 1990 ont en outre été marquées par un fort militantisme, qui s’est notamment illustré par les slogans et actions « chocs » de l’association Act-up pour laquelle l’information donne le pouvoir, la colère pousse à l’action, le silence s’apparente à la mort et l’action à la vie.

Face à un tel enjeu, les médecins et les patients se sont attachés à faire équipe dans la lutte contre la maladie, afin que celle-ci soit la plus constructive possible. Ils devront continuer à le faire, tant que cette pathologie n’aura pas été complètement éradiquée.

Contributions

Programme de la journée à télécharger
Compte rendu de la journée : société Ubiqus
Illustration : Philippe Cusse

Contacts pour le comité sida sexualités prévention

Responsable, dr Mylène Garo
Secrétariat : 01 43 09 32 81

Création : 07.02.2017
Mise à jour : 20.03.2017

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